Horarius horribilis
Grande colère en Suisse romande à l’annonce du futur horaire des CFF dès 2025. Il y aura des cadences renforcées, des lignes allongées, de nouvelles liaisons inédites, un rôle accru pour la nouvelle gare de Renens dans l’Ouest lausannois, l’ouverture de chantiers pour de nouvelles infrastructures, mais – et cela seul compte pour les journalistes – les relations directes entre l’arc jurassien et Genève disparaîtront (hors heures de pointe): il faudra dorénavant changer de train à Renens et le voyage durera une dizaine de minutes de plus.
C’est ce que les journalistes en ont retenu. Et ce sont eux qui choisissent ce que la population va en retenir – et aussi ce que la plupart des politiciens vont en retenir. Les réactions ulcérées des usagers sont celles voulues par la presse et les médias. Les politiciens et les partis, en année électorale, suivent tout naturellement. Et plus la colère gronde dans la population et chez les politiciens, plus les journalistes sont heureux de voir cette nouvelle «affaire» prendre de l’importance et leur rapporter de l’audience.
Il n’y a pas que l’audience; il y a aussi l’obsession de la gauche à dresser des catégories d’individus les uns contre les autres, en suscitant des sentiments de frustration et d’injustice. Créer un nouvel affrontement entre Suisses romands et Suisses allemands, voilà un plaisir qu’on ne se refuse pas. On relèvera avec ironie que ce même nouvel horaire fait perdre à Lucerne une liaison directe avec Zurich-Aéroport, suscitant une déception certaine en Suisse centrale sans toutefois déclencher un psychodrame fédéral tel que celui auquel on assiste de ce côté-ci de la Sarine.
Accessoirement, le raffut mené contre le nouvel horaire contribue aussi à entretenir le ressentiment permanent des usagers du rail, «enfants gâtés» trop habitués à profiter d’une offre de transports publics dépassant tout ce qu’on peut rencontrer à l’étranger; tandis que les automobilistes prennent leur mal en patience dans des embouteillages quotidiens, sur des routes artificiellement sous-dimensionnées et régulièrement bloquées par des activistes éco-anxieux, ceux qui voyagent en train s’offusquent de la moindre contrariété, du moindre retard, de la moindre dénivellation pour monter sur un quai ou dans un wagon…
Toutes ces observations périphériques ne doivent pas faire oublier un problème central, d’ordre institutionnel: les personnes – simples citoyens ou politiciens – les plus virulentes pour dénoncer la manière dont la minorité romande est négligée par la majorité alémanique sont souvent aussi les plus résolues à défendre la centralisation des compétences entre les mains de la Confédération. Que les cantons reprennent davantage leur destin en main? Mais bon Dieu, vous n’y songez pas, chacun risquerait de faire comme bon lui semble pour défendre ses propres intérêts!
Pollux
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