Saint-Maurice
Ce prénom précédé de l’adjectif Saint n’est pas parmi les quatre lieux répertoriés dans une histoire de Gilles1; ces localités-là jouxtent le Léman, n’en déplaise aux Genevois, alors que celle de Maurice se trouve en amont d’un défilé au bord du Rhône.
Le propos de ce texte ne concerne pas la localité de Saint-Maurice, mais certaines de ses institutions, dont il fut fait grand cas dernièrement, pas forcément pour le bien commun.
Laissons donc Maurice d’Agaune et sa commune de côté pour nous focaliser sur trois domaines récemment harponnés et trop souvent amalgamés sans distinction appropriée: l’abbaye, l’internat et le collège.
L’abbaye et ses chanoines: abbaye territoriale, fondée en 515, dépendant religieusement directement de Rome et se fondant sur les règles de saint Augustin. Sa communauté de chanoines, devenue au cours des dernières décennies peau de chagrin, s’est attelée, entre autres2, à accueillir depuis 1806 des élèves en internat et à dispenser depuis plus de deux siècles un enseignement aux élèves de l’école obligatoire et post-obligatoire.
L’internat: aspect pratique et éducatif, ayant à la fois un lien avec la communauté des chanoines (internat géré par les chanoines) et un autre avec la formation de jeunes Valaisans (via le collège). Les diverses récentes enquêtes et émissions – médiatiques et médiatisées – extérieures à l’abbaye, ainsi que les communiqués de presse de cette dernière, ont souligné, dans leurs points principaux, à la fois des allégations de déviances de certains chanoines et des demandes de pardon de la part de la communauté actuelle de l’abbaye. Il apparaît nécessaire de consacrer quelques mots à cette notion de pardon, qui, principalement, se réfère au fait que, bien que chanoine ayant prononcé ses vœux, un chanoine reste un être humain comme un autre (position défendue par le catholicisme et a fortiori par la communauté de l’abbaye). Il est bien regrettable que cet argument cardinal et de référence à l’être humain (le commun des mortels), n’ait pas été alors suivi et appliqué jusqu’au bout, c’est-à-dire par la soumission à la loi civile (du moins en Suisse) et au pouvoir judiciaire compétent. Il y a ici de quoi s’interroger sur l’éthique et l’humanisme prônés par cette communauté.
Le Lycée-Collège de l’Abbaye ou LYCA: en référence, ici aussi, aux récentes actions des médias, il y a lieu de les compléter, voire de les dissocier des allégations de déviances diffusées. Après environ cent huitante ans d’enseignement humaniste et substantiel par les chanoines, ce qui forgea à ce lycée une réputation au-delà de la frontière cantonale, l’enseignement a été au fil du temps assuré par une proportion croissante de laïcs, qui formaient quasiment la totalité des plus de cent professeurs à l’automne dernier. Il est difficile d’arrêter une date à partir de laquelle la majorité des enseignants a été composée de laïcs; pour le surplus, jusqu’il y a environ vingt ans, était prioritairement sélectionné (puis nommé par l’Etat du Valais) professeur au LYCA celui qui y avait acquis sa maturité. Enfin, l’enseignement au LYCA est depuis des décennies sous la responsabilité de l’Etat du Valais au même titre que les trois autres collèges de ce canton.
Pour conclure et outre ma réflexion sur l’incohérence de la position catholique demandant le pardon pour ses êtres humains pécheurs tout en ne franchissant guère le pas de les soumettre à la justice civile, je regrette que les médias n’aient pas distingué les maux qui affligent la communauté des chanoines de toute la richesse que le corps des professeurs actifs au LYCA a apportée et apporte aux étudiants valaisans, vaudois et autres «étrangers». Il est à espérer que les dégâts causés à ce capital formatif ne l’affecteront que marginalement.
Michel Tobler
1 Le Miracle de Saint-Saphorin.
2 Activités de la communauté - Abbaye de Saint-Maurice (abbaye-stmaurice.ch).