Editorial
La Suisse a été condamnée mardi 9 mars par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour son inaction coupable contre l’urgence climatique. C’est une première et les écologistes ne se sentent plus de joie devant ce qu’ils qualifient de décision historique. La plainte avait été déposée par l’association des «Aînées pour la protection du climat», une équipe de grands-mamans féministes et militantes écologistes. Ces femmes considéraient «que Berne ne prenait pas de mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique, en violation de leurs droits à la vie, à la santé et au bien-être».
Le changement climatique est un état de fait constatable par tous. Les dix derniers mois ont été les plus chauds depuis qu’on en prend la mesure et les phénomènes extrêmes se multiplient. Ce qui nous était annoncé depuis que le sujet est arrivé sur le devant de la scène est probablement en train de se produire.
Bon, qu’est-ce qu’on fait? Il est clair que, dans l’immédiat, nos vies ne sont pas en danger, subir une chaleur un peu plus élevée est assez supportable, ce ne sont pas les mamies qui vont passer leurs vacances en Andalousie qui diront le contraire. Je suis même prêt à parier qu’il y en a quelques-unes parmi les plaignantes.
La grande question est de savoir s’il est réaliste de vouloir modifier le phénomène. Peut-on réellement agir assez vite et efficacement pour exercer une influence sur le climat de la terre entière? Car une action géographiquement limitée ne sert à rien. On doit donc obtenir le concours de la grande majorité des pays du monde, dont les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, et ce dans des délais extrêmement courts. Afin de maîtriser les émissions, nous devons réduire notre consommation d’énergie, ce qui n’est jamais arrivé, ne serait-ce qu’un peu. Passer au tout électrique en démantelant le nucléaire dans le même temps est illusoire, les investissements pour atteindre la neutralité carbone grâce aux énergies dites «propres» sont pharaoniques, posent de graves problèmes de recyclage, et personne ne dispose de tels budgets.
Les militants pour le climat ne s’attirent aucune nouvelle sympathie en s’attaquant aux œuvres d’art et aux concessionnaires de voitures. Les écologistes ne parviendront pas à convaincre leurs détracteurs et, même s’ils sont de bonne foi, personne n’a envie de s’entendre répéter: «Tout est de ta faute, tu dois renoncer à ta voiture, à ton chauffage, à voyager, à manger de la viande, etc.» Car l’être humain est fondamentalement optimiste et capable du déni le plus complet lorsque les perspectives ne sont pas roses. Il n’y a donc à peu près aucune chance que les partis écologistes obtiennent un large soutien populaire avant qu’il ne soit trop tard.
Il est plus que temps de se pencher sérieusement sur les stratégies de survie qui s’offriront à nous si certaines parties du globe ne sont plus habitables, sur la gestion d’une authentique catastrophe impliquant potentiellement la disparition d’une part importante de la population ou de considérables mouvements migratoires, et sur les investissements nécessaires aujourd’hui.
Pour revenir à la condamnation de la Suisse par la CEDH, il s’agit d’une nouvelle tentative d’ingérence d’instances de la bureaucratie européenne, qui démontrent une fois de plus ne rien comprendre à la façon dont la Suisse fonctionne.
Qu’à cela ne tienne: on fixera des objectifs, on mesurera l’évolution de nos émissions et on fera avec ce qu’il y a, car, en Suisse, c’est le peuple qui décide en dernière instance. Et même si ça donne de l’urticaire à ceux qui voudraient nous voir rentrer dans le rang et obéir à leurs Excellences de Strasbourg, c’est comme ça et ce n’est pas près de changer, Dieu merci!
Michel Paschoud
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