Editorial

En lançant son initiative visant à introduire dans la Constitution fédérale un droit pour tous les salariés à six semaines de vacances par année, Travail suisse était absolument conscient que ses chances de succès seraient minces. En proposant de faire passer le minimum de quatre à cinq semaines, les chances eussent été plus importantes, mais le syndicat concurrent de l’Union syndicalene tenait pas à ce que l’initiative fût approuvée, mais seulement à ce que lui revînt le mérite de l’avoir lancée.

C’est une opération de communication, propre à redorer le blason pâlissant du syndicalisme.

Il faut dire que les règles du partenariat social semblent n’être plus comprises par ses acteurs traditionnels: plus les syndicats obtiennent que les conventions collectives soient étendues à tous les partenaires de la branche, syndiqués ou non, et plus ils perdent des membres qui ne comprennent pas pourquoi ils devraient continuer à cotiser dix-huit francs par mois à une association qui ne leur offre aucun avantage dont les non-syndiqués seraient privés.

Encore plus grave: lorsque le syndicat cherche à faire introduire dans la loi, ou pire dans la Constitution, des normes qu’il a été incapable d’obtenir par voie de négociation, il fait la démonstration de sa faiblesse et de sa méconnaissance des branches qu’il est censé représenter.

Un syndicat ne peut pas supposer, de bonne foi, que tous les secteurs de l’économie sont également aptes à supporter des augmentations de salaires massives, deux semaines de vacances supplémentaires ou des départs à la retraite anticipés avec des prestations entières de la caisse.

Mais la tendance actuelle des syndicats «généralistes» qui se vantent de pouvoir représenter les intérêts de multiples professions aboutit nécessairement à ce que le secrétaire syndical négocie avec un patron dans une branche qu’il ne connaît pas. Comment imaginer que le syndicat Unia, par exemple, qui se dit sur son site internet «partenaire social d’environ 400 conventions collectives», soit en mesure d’envoyer, pour la négociation de chacune de ces CCT, un secrétaire issu de la branche, ou tout au moins qui en connaisse parfaitement les arcanes, les réserves, les gains de productivité, les perspectives à court et à moyen terme, l’ampleur des carnets de commande, l’endettement et les possibilités d’innovation?

Le négociateur sera vraisemblablement un fonctionnaire gauchiste du syndicat, convaincu des vertus de la grève et de la lutte des classes, et qui assénera à son prétendu partenaire des statistiques moyennes et globales, toutes branches confondues, qui tendent à prouver que les patrons gagnent bien assez sur le dos des ouvriers, et qu’il est inadmissible de verser un salaire inférieur à 4000 francs par mois, quels que soient la branche, le travail demandé et les qualifications du travailleur.

L’initiative sur les six semaines de vacances procède de cette vision simplificatrice, la même qui a introduit en France les semaines de trente-cinq heures et les retraites à soixante ans. On voit dans quelle situation se trouvent nos aimables voisins, qui voient fuir non seulement les gros contribuables, mais surtout leurs entreprises industrielles ou de services.

Le taux de chômage est de 9,9 % en France, contre 3,4 % en Suisse, malgré la forte proportion de travailleurs étrangers dans notre pays. Est-ce un hasard?

A mon avis, bien au-delà de l’initiative des six semaines de vacances ou des 4000 francs par mois, c’est toute la politique syndicale qu’il faut revoir. Les syndicats devraient enseigner à nouveau les vertus de la paix du travail, de la connaissance approfondie de la branche, et des négociations branche par branche.

Claude Paschoud

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