Armée... ça démonte à tout va!

Le démontage de notre défense nationale se poursuit à un bon train. Non seulement les troupes continuent à être dissoutes, mais on déconstruit à tout va!

La plupart des fortifications ont déjà subi le même sort, les quelque deux cents fortins bitubes de 12 cm devraient être ensevelis sous des tonnes de béton (les derniers on été livrés en 2003!). Les récentes positions «Bison» (canons d’artillerie de 15,5 cm) sont en train d’être supprimées. Ces mois, on conduit à l’abattoir des chars M113 63/89 dont on disait qu’ils étaient hors service, inutilisables après avoir été parqués tant d’années dans les cavernes d’aviation de Tourtemagne et Rarogne. La ventilation avait été coupée dans ces abris. Les chars, dont on sait qu’ils sont construits en aluminium, avaient été déclarés «rouillés». Début février 2012, les portes de ces cavernes se sont ouvertes, et … surprise, les chars en sont sortis à pleine vitesse ( !?). Ils ont été conduits vers les rampes de chargement des CFF.

Nous avons même pu piquer à travers les grilles de l’usine de démolition des photos des moteurs de ces véhicules: propres et «nickel», comme après une reddition de cours de répétition.

Rouillés, inutilisables… quelle farce!

Mais, Mesdames, Messieurs les citoyens, chers amis lecteurs, le pire, ce n’est pas tant cet immense gaspillage, qui est dramatique. Non, le pire, c’est que le cochon – l’armée – est amené à l’abattoir sans que personne ne bronche, la tête baissée. On râpe les budgets, on disserte sur 20'000, 60'000, 80'000 hommes, on s’interroge sur le bien-fondé d’une obligation de servir, sur l’armée tout simplement en fait. On allègue que, de toute façon, il n’y a que la coopération qui nous permettra d’assurer la sécurité du pays.

Aucune réaction; et quand on propose, au moins, une manifestation sur la place fédérale, on vous regarde avec l’air de dire: «Non, mais il est dérangé ce gars-là!»

Plusieurs personnes, suisses d’ailleurs, qui ne sont pas membres du GSsA, sont les auteurs et les responsables de ce massacre. L’actuel Conseil fédéral, suivant en cela les décisions prises dans les années nonante, est en train de faire le travail de démantèlement. Il est appuyé en cela par des parlementaires.

Mais ce n’est pas seulement le monde politique que l’on dénonce. Le vrai drame, ce sont les divergences d’opinions et de vues des cadres de l’armée. Ceci s’observe jusque tout en haut de la pyramide hiérarchique. D’un côté, les défenseurs d’une armée suisse crédible et, de l’autre, les promoteurs de la coopération, acteurs réels du démantèlement de notre défense nationale. Parmi ces derniers, des responsables qui affirment candidement qu’«on n’a que des amis» ou qu’«il n’arrivera plus de guerre», promoteurs aussi de «la qualité plutôt que la quantité»! D’autres ajoutent que l’armée ne joue plus le rôle de défense, qu’il y a bien d’autres menaces, bien plus importantes que la guerre: le réchauffement climatique, le hasard nucléaire, la crise économique, la crise démographique, la cyber-guerre et j’en passe.

A Berne, on a cessé de penser «guerre» ou «militaire». On esquisse des idées  sur la défense. On pense plutôt budget, bien sûr. On bricole de superbes concepts multicolores sur projecteur vidéo, dans lesquels on est à cent lieues de s’imaginer la prochaine crise ou le prochain conflit. On se persuade de la justesse du dimensionnement réduit des troupes, on imagine des circuits logiques «réaction, action» et, si possible, le conférencier en treillis, très convaincu d’être dans la ligne de la pensée unique, vous assène des «Meine Herren» tonitruants.

Pire encore! Etant donné que la tête est si éloignée des hommes de la troupe – l’exemple ringard du général Guisan sillonnant la géographie dans sa limousine noire est totalement oublié –, une fabuleuse idée a éclairé des cerveaux: demander à l’homme de troupe d’envoyer des SMS au commandement de l’armée pour jauger l’état d’esprit des soldats et aussi avoir leur appréciation sur leurs chefs.

Une initiative qui prouve l’état de déliquescence des esprits, complètement à l’opposé de la façon de commander dans une armée.

A la tête de celle-ci, on s’ingénie maintenant à justifier 80'000 à 60'000 hommes pour soutenir les autorités civiles. On imagine la motivation chez des militaires à qui, à la limite, on enseignerait juste l’utilisation du fusil (en prêt seulement pour le cours de répétition) et la radio. Pour la défense, pour calmer les esprits mal tournés qui s’agitent encore, on veut mettre en ligne 20'000 hommes.

Pour figer tout cela, le commandement de l’armée a lancé une consultation alibi auprès des organisations de milice qui, on l’espère, vont gentiment acquiescer. On pourra ainsi justifier la destruction de ce qui reste comme véhicules et matériel. Mieux, il ne sera plus nécessaire de chercher des budgets afin de rééquiper les bataillons aujourd’hui sans équipement. On les supprime. C’est bien plus simple, non?

Autant dire que, si on compte sur 20'000 hommes (soit le nombre de spectateurs d’un stade de football de taille moyenne) pour défendre le territoire suisse, on rêve. Inutile de préciser que l’argument «montée en puissance» relève d’une blague quand on sait que toutes les crises se sont déclenchées par surprise. La Suisse s’est presque complètement débarrassée de l’industrie d’armement et de munitions et il est totalement illusoire de penser pouvoir acquérir en urgence des moyens qui seront tout d’abord achetés par les pays qui hébergent cette industrie. L’exemple du passé concernant l’achat de blindés au sortir de la seconde guerre mondiale est, à cet égard, très démonstratif.

Seul un gros pépin pourra stopper la continuation du démantèlement de l’armée. Aujourd’hui, on peut déjà être certain que si de trop forts troubles devaient survenir en Suisse, ce qui reste de l’armée serait insuffisant pour assurer la protection de la population. On verrait alors nos conseillères fédérales, tout émues et l’œil humide, suivies par leurs collègues hommes, venir justifier l’appel à des forces étrangères «amies» pour sauvegarder les conditions d’existence de la population.

A la fin du processus, nous serons livrés pieds et poings liés à une puissance étrangère qui ne prendra pas de gants pour nous faire vivre selon son bon vouloir, en piétinant sans vergogne notre système de démocratie directe et en pillant tout ce que la bonne Suisse aura mis près d’un siècle et demi à construire et à accumuler.

Vision pessimiste? Certainement pas: lisez l’histoire, on dit qu’elle est un éternel recommencement.

F. Villard

NB: Je rappelle à ceux qui n’ont pas baissé les bras que le groupement «Giardino» poursuit son action et que vous pouvez le rejoindre en vous adressant à la rédaction, qui vous mettra en relation avec son responsable romand.

Thèmes associés: Armée

Cet article a été vu 3610 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions