En direct de Sirius

Lettre ouverte au défunt Douglas Adams (simple coup de guéridon)

Je relis votre Guide de l’autostoppeur dans la Galaxie. Deux mots de votre enquêteur itinérant suffisent à y décrire la Terre: «Essentiellement inoffensive.» Vous l’avez tous deux quittée trop tôt. Prolonger votre séjour de onze ans vous aurait permis de faire plus court en voyant s’effondrer nos valeurs. Pour la prochaine édition, je vous propose: «Grotesque

Amitiés,

MLI

 

Sain Vladimir Poutine (un, au moins, qui sait ce qui se passe)

Alors que s’achève le guignol des élections présidentielles états-uniennes par la reconduction du tenant du titre, le président russe agit. Ayant senti passer le vent du boulet de la «Révolution Orange» et analysé les mécanismes de révolutions «spontanées» parées de noms de fragrances et de quelques autres petites agaceries sociales qui peuvent rapporter gros en termes de déstabilisation par médias interposés – comme dans l’affaire de la provocation «Pussy Riot» –, il confirme une fois de plus sa stature d’homme d’Etat et sa dimension de chef de peuples par deux décisions d’utilité nationale. Fin octobre, il neutralise l’un des facteurs d’immixtion les plus sournois et les plus pernicieux des ennemis de la Russie en faisant adopter par les chambres une loi qui qualifie d’«agents de l’étranger» les ONG financées par des puissances tierces bien moins philanthropiques qu’elles voudraient nous le faire croire, et impose le contrôle de l’origine des fonds. Le 6 novembre, pour maintenir une stratégie de lutte contre la corruption déjà mise en évidence par la condamnation et la mise en détention de Khodorkovsky et la fuite de Berezovsky, il limoge Anatoli Serdioukov, son ministre de la défense. Sourd aux sirènes médiatiques du monde réputé «libre» et refusant un multiculturalisme prôné par les habituels destructeurs d’identités, le peuple russe «réel» l’a parfaitement compris.

 

Pour bien planifier vos achats de Noël

Au moment où je rédige ces lignes, je cherche toujours Nibiru, cause directe du prochain Big Bang. Cette planète est pourtant quatre fois plus grande que la nôtre, ce qui fait observer à David Morrisson, ancien directeur à la NASA et l’un des chefs de départements du Seti Institute, que «si une telle planète existait, il serait impossible de la cacher à moins d’enfermer tous les astronomes amateurs». Cependant la baffe interplanétaire a été prévue de longue date au 21 décembre de cette année par les Mayas, qui sont des gens sérieux. Comme j’ai déjà vu passer une bonne douzaine de fins du monde depuis mon arrivée ici, je ferai donc le 20 mes achats de Noël: il y aura moins de gens dans les boutiques, puisqu’ils seront tous terrés dans leurs abris, occupés à compléter leurs stocks et à compter à rebours en louchant sur le disque du calendrier fatidique. Je prendrai toutefois soin d’assortir chaque achat d’une clause de remboursement si d’aventure il n’y avait plus personne à qui faire des cadeaux le 25 au matin; sauf pour le champagne. Mais je suis enclin à partager cette opinion glanée au hasard d’internet qu’il y aurait surtout «deux choses à craindre pour 2012: une fin chaotique de notre système économique et le début d’une troisième guerre mondiale au Proche et au Moyen Orient». La bonne nouvelle, c’est que 2012 se termine bientôt. Et si la Saint Sylvestre n’est pas décommandée pour cause de télescopage, naturellement confiants en la sagesse de ceux qui ont choisi d’assumer la «gouvernance mondiale», nous pourrons nous attendre à une brillante année prochaine. Dans tous les cas de figure, l’abus de champagne est recommandé.

 

La pensée de Johnny (un pur travail de bénédictine)

Quand ma copine Fiona m’a annoncé qu’elle venait d’achever un ouvrage sur la pensée du célèbre rocker, j’ai rejoint d’instinct le nombre de ceux qui prévoyaient un traité de cinq pages. Nous avions tort. Deux cent cinquante-trois pages plus tard, la coquine qui, comme la plupart des jeunes femmes de son âge, n’avoue que trente-huit ans en remontre en matière de yéyés à quelqu’un du mien, comme si elle avait été bercée aux accords de Salut les copains. Aucune étape de la trajectoire hallydéenne ne lui est inconnue. Avec la ténacité d’un exégète, elle remonte le cours des rimes et débusque le sens caché des émissions sonores d’une «idole des jeunes» aussi mutante qu’inoxydable, qu’on devine au service exclusif de sinistres meneurs de jeu. Elle démontre sans ambages que, derrière le son et la lumière, bien avant la couillonnade soixante-huitarde et avec une efficacité beaucoup plus redoutable, il fut la bactérie propagatrice d’une redoutable fermentation culturelle et sociale, dont nous n’avons pas fini de mesurer les effets délétères. Habile agent d’influence… ou superbe exemple d’idiot utile? Avec beaucoup de finesse, Madame Fiona Levis analyse et expose… mais laisse à ses lecteurs le soin de décider.[1]

 

You can’t do that to ME… I’m an American ![2]

C’était la phrase standard que couinait en terre étrangère, rosissant d’importance, tout citoyen américain un tant soit peu contrarié par tout sujet d’indignation allant de la découverte d’amibes mexicaines dans l’eau de son sorbet au statut d’otage en des sites pittoresques, en passant par l’impossibilité d’obtenir le 22 à Asnières ou le refus d’un chef de servir du Coca-Cola en accompagnement de foie gras. L’exclamation valait sésame et emportait généralement la soumission des indigènes. En vertu de quoi – et surtout depuis un certain 11 septembre et quelques autres croquemitaineries du genre –, surfant sur l’émotion des braves gens paisibles, les émules des Patriot Acts I et II ont eu dans nos pays la partie belle, et les lois restrictives de libertés élémentaires promulguées par des félons bradeurs de souveraineté ou des timorés prompts aux génuflexions firent florès. Et voilà pourquoi – et bien sûr pour NOTRE protection – nous voilà contraints, qu’il s’agisse d’ouvrir un compte en banque, de nous hasarder sur la toile «oueb» ou d’acquérir un appareil téléphonique mobile, de livrer gracieusement les détails les plus intimes de notre vie privée et de fournir le catalogue de nos préférences. Sans parler de notre anatomie puisqu’il nous faut subir en prime des fouilles de plus en plus approfondies si d’aventure il nous advient de vouloir décoller un peu. De la mise bas initiale à la mise en boîte finale, nous voilà donc reniflés, filmés, enregistrés, «biométrisés», désarmés, répertoriés, reconnus, suivis, saisis, canalisés, parqués et contrôlés comme autant de bons veaux soucieux d’approbation, mendiant les permissions. Et pendant qu’éperdus de reconnaissance face à tant de prévenance, nous nous prosternons devant les portiques de sécurité, soucieux de courir dépenser les quelques sous qu’ils veulent bien nous autoriser à conserver encore par-devers nous, les autoproclamés gendarmes du monde achèvent de nous précipiter dans une crise globale et nous poussent de bon cœur vers une nouvelle conflagration mondiale!

Au pays de Mark Twain, «assez!» se dit «enough!». Et il est plus que temps d’apprendre aussi à dire: «You can’t do that to US! We are NOT American!»[3]

Max l’Impertinent



[1] La pensée de JohnnyUne révolution française par Fiona Levis, 25 € franco de port, Pierre-Guillaume de Roux édit., 41 rue de Richelieu, F-75001 Paris (ou via Amazon.com) – ISBN 978-2-36371-020-8.

[2] «Vous ne pouvez pas ME faire ça! Je suis Américain!»

[3] «Vous ne pouvez pas NOUS faire ça! Nous ne sommes PAS Américains!».

 

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