Au nom de l’éthique, je vous arrête!

Le déferlement d’agressions sauvages auquel on assiste depuis plusieurs mois dans la région lausannoise agite les esprits. Les chargés de communication de la police s’évertuent à nous répéter qu’il ne faut pas s’alarmer, que le nombre d’incidents «dans telle rue et à telle heure» reste «relativement» faible, que la situation est encore beaucoup moins grave que dans les banlieues parisiennes, qu’il ne s’agit pas de «bandes» mais de «petits groupes de jeunes agissant sans motif» et qu’il ne faut surtout pas généraliser quelques cas isolés. Et pourtant la population s’inquiète.

Dans ce contexte propice, la presse à scandale s’est amusée à en déclencher un en faisant dire au procureur général qu’un simple citoyen n’avait pas le droit de retenir un agresseur ou un cambrioleur par la force en attendant la police. Comme prévu – et avec raison au regard de la manière dont la chose avait été présentée –, les lecteurs se sont indignés. Quelques jours plus tard, l’affaire s’est pourtant dégonflée: si l’on en croit les explications du procureur, l’exemple relaté par les journalistes avait été habilement déformé; comme d’habitude.

Bien entendu, si le droit accordait une plus grande marge de manœuvre aux simples citoyens pour se défendre et défendre leurs biens, ces mêmes journalistes seraient les premiers à dénoncer une «dérive sécuritaire». L’essentiel est qu’il y ait du scandale.

La vraie question est probablement de savoir si la police elle-même doit pouvoir arrêter les criminels. Nul doute que le sujet intéressera le nouveau Comité d’éthique dont vient de se doter la police municipale de Lausanne et qui sera chargé de «donner des balises» aux policiers lorsque des «tendances problématiques» apparaîtront chez ces derniers.

Parmi les premiers thèmes envisagés figure – on ne l’aurait jamais deviné – le «délit de faciès». On soupçonne en effet les policiers de cibler leurs contrôles en fonction de l’apparence des individus; de n’interpeller que des personnes de couleur lorsqu’ils recherchent des vendeurs de drogue africains dans des endroits qui ne sont fréquentés que par des Africains; ou de n’arrêter que de jeunes gauchistes chevelus lors des manifestations altermondialistes.

Ces situations sont jugées totalement incorrectes et l’on priera donc les agents, s’ils sont sur les traces de dangereux criminels, de contrôler un nombre équivalent d’hommes d’affaires en complet-cravate, de ménagères chargées de commissions, de commerçants affables sur le pas de leur échoppe, de petites filles portant leur chat chez le vétérinaire et de personnes âgées accrochées à leur tintebin. Pas de discrimination! Un nombre égal d’arrestations! Si nécessaire pour des motifs éthiques.

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