Du nouveau chez l'Oncle Paul

Fantastique nouveauté à l’Office des poursuites de Bâle-Ville: l’administration s’est dotée d’un système de surveillance pour protéger ses employés contre les violences.
«Les gens deviennent de plus en plus agressifs», déclare M. Gerhard Kuhn, le préposé. Dès lors, les vingt et un guichets du canton où se présentent les débiteurs sont munis de caméras. Bon prince, M. Kuhn ne va pas faire intervenir la justice tout de suite en cas de dérapage. La séquence litigieuse sera diffusée, dans les locaux de l’OP, en présence de la personne qui s’est emportée «pour lui faire prendre conscience de l’outrance de son comportement et éviter qu’elle ne recommence».

Quel dommage que les caméras ne soient pas conçues pour filmer également l’arrogance, le mépris, ou même souvent l’attitude injurieuse des collaborateurs des Offices à l’endroit des débiteurs!

Ces derniers sont souvent tombés dans les dettes à la suite d’un événement dont ils n’étaient pas entièrement responsables – perte d’emploi, divorce, mauvaise conjoncture économique, etc. Ils ont payé tous leurs créanciers, sauf les impôts.

Le fisc fait notifier des commandements de payer - un pour l’IRF et un autre pour l’IFD, quand bien même c’est le canton qui est l’encaisseur des deux –, ce qui augmente bien entendu les frais pour le débiteur, et un nouveau commandement de payer pour chaque année fiscale.

Il faut savoir encore qu’en application de l’article 93 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) sont saisissables (sous réserve des biens énumérés à l’article précédent) tous les revenus, rente, pensions, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.

Or, les préposés réunis en une Conférence des préposés, ont décidé que le paiement des impôts n’était pas nécessaire (au contraire du paiement du loyer, des primes d’assurance maladie ou des pensions alimentaires dues), sauf pour les étrangers taxés à la source, et que dès lors le minimum vital laissé à la disposition du débiteur saisi ne comprend pas le paiement de ses impôts.

Le débiteur s’efforce donc d’acquitter ses impôts en retard, ce qui l’empêche de payer ses impôts courants, ce qui a pour effet d’enclencher la spirale infernale: nouvelles poursuites, avec intérêts moratoires et frais de poursuites et saisie…

Cette spirale est dans l’intérêt des Offices, qui sont certains de conserver ad vitam aeternam des clients captifs et fidèles malgré eux. Plus il y aura de débiteurs, plus ces débiteurs seront maintenus dans un état perpétuel d’endettement, et plus les Offices seront satisfaits, puisque leur rémunération, leur importance, le nombre de leurs collaborateurs et le luxe de leurs bureaux sont assumés par les créanciers, et payés finalement par les débiteurs saisissables.

Il semble même que certains Offices permettent à l’Etat – lorsqu’ils dépendent du budget de l’Etat, comme à Fribourg – de se remplir indûment les poches, de façon scandaleusement illégale: les Offices de Fribourg encaissent 15 millions sous forme d’émoluments et les charges totales sont de 10 millions (locaux, personnel, informatique, etc.)

Or, les émoluments sont des taxes versées par le bénéficiaire d’une prestation en échange de cette prestation. D’où vient donc que l’Etat de Fribourg mette la main sur un pactole de 5 millions qui devrait être restitué aux ayants droit?

Pourquoi l’Etat de Vaud et la Ville de Lausanne ont-ils créé une structure visant à éviter l’endettement des particuliers dans laquelle aucun conseil judicieux n’est offert, à part la recommandation d’établir un budget, ce qui est un peu mince?

Face à un interlocuteur méprisant et désagréable, qui a un avantage collectif et personnel à ce que le débiteur soit maintenu dans la dèche le plus longtemps possible, et qui n’entre en matière sur aucun aménagement de la saisie, quand bien même l’art. 93 LP lui en donne la compétence, certains débiteurs se laissent aller à prononcer des paroles amères et peu courtoises.

Grâce aux caméras de Bâle-Ville, le préposé pourra leur faire la leçon et leur faire prendre conscience de l’outrance de leur comportement.

Aucune remise en question du système, de son absurdité fondamentale, ou de l’attitude des collaborateurs des Offices. Les caméras seront dirigées dans le bon sens.

Claude Paschoud

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