En direct de Sirius

Que cette fin d'année est donc triste! Entre les naïfs je-suis-charliesques et bataclanisés, qui se cramponnent à des slogans ou suivent des masques blancs trop anonymes pour ne pas être autre chose que des hameçons; un Front national (en France) aseptisé, qui rêve encore à des sursauts nationaux lors même que les Français ne font plus que «rebondir» et une Suisse de plus en plus soumise et de moins en moins neutre, avec deux conseillers fédéraux UDC qui ne voudraient surtout pas déranger, nous voilà bien! Sans goût pour les lamentations, je m'en suis tenu, pour saluer cette dernière version imprimée adressée de Sirius, à une recension et à deux anecdotes.

Mieux voir venir

Quiconque a lu Le communisme est-il mort? d'André Franzé saisira toute l'importance de sa nouvelle étude De la chute de l'URSS à la guerre en Ukraine1, dans laquelle l'analyste en géopolitique met en évidence les buts non avoués des véritables maîtres de la politique états-unienne concernant la Russie de Poutine – dont la mise en œuvre s'opère par des actions directes et indirectes, souvent sournoises, en Ukraine, en Syrie et dans quelques autres malheureux pays tiers, avec l'aide des supplétifs habituels de ce Sam qui n'a jamais été notre oncle. Les Français ont, pour leur dessiller les yeux, leurs Aymeric Chauprade, leurs Pierre-Henri Bunel et leurs Bernard Lugan; nous avons notre DominiqueVenner et notre André Franzé. L'auteur rappelle le précepte qui s'impose à tout officier de renseignement: «Devenez l'ennemi»; auquel j'ajouterais: «Mais ne vous trompez pas d'ennemi» car les temps changent et les ennemis aussi...

Deux amis (conte de Noël?)

Il est mon ami depuis la nuit des temps. Après vingt-deux ans de parenthèse, je croise à nouveau son chemin et lui trouve des allures de loup maigre à un âge où d'ordinaire on stocke du mauvais gras. Il m'explique qu'ayant oublié que charité bien ordonnée commence par soi-même il s'est ruiné. Sa vie se résume désormais à quelques mètres cubes en garde-meubles et des hospitalités aussi généreuses que désintéressées qu'il s'efforce de limiter dans le temps. J'apprends dans la foulée qu'il a perdu beaucoup de charme aux yeux – si beaux – de la dame de sa vie et que la villa du midi qu'il avait restaurée était à elle; qu'il lui a laissé ses meubles de style et ses antiquités, ses tableaux, ses sculptures, ses tapisseries, ses propres dessins (il a un petit talent) et ses tapis persans. «Si la maison avait été bombardée, dit-il en haussant les épaules, j'aurais tout perdu quand même… Je n'ai sauvé que mes livres, sauf ceux de la Pléiade… mais ils ne risquent pas d'être beaucoup écornés…» Au chapitre des amis, son agenda s'est beaucoup aminci, mais d'aucuns se sont révélés très exceptionnels, dont il me parle avec émotion. Somme toute, une histoire banale, à la mesure du siècle où nous vivons. Je lui demande ce qu'il a fait depuis. «Ecoutant mon père, j'ai suivi mon instinct. Il m'avait aussi prévenu que, comme lui, je n'échapperais pas à mon destin» – phrase riche de signification pour qui connaît le destin du père. Puis il prend congé. Regardant s'éloigner cet étrange mélange d'orgueil et d'humilité, je me remémore un épisode du temps où nous étions internes dans ce collège très élitiste de la région parisienne, qui annonçait des taux de réussite parmi les plus élevés de France. C'était bien avant le «bac-pour-tous» des dernières décennies; à trois années de cette redoutable échéance nous pensions l'avoir semé en route, car, en dépit de quelques dons, cet émule de Jean Yanne et de Prévert avait échoué aux deux premiers examens trimestriels. Son seul espoir d'admission en classe supérieure était d'obtenir une très bonne note au dernier trimestriel, dont le résultat comptait triple. Un mois avant les examens, autorisé par notre chef de maison à descendre dès six heures bûcher en salle d'études, il s'y rendait en fait dès quatre heures du matin. Il avait si bien réussi que ses résultats se murmuraient dans l'ensemble du collège bien avant leur publication officielle.

A mesure que sa silhouette s'estompe dans le brouillard de décembre, je me demande, un peu inquiet, vers quel genre de résultat il marche d'un si bon pas.

Deux amis et un quidam (aléas des parlers)

C'était tout juste après la guerre, la seconde; ils étaient trois: le conseiller aux Etats Joseph Piller, l'architecte Denis Honegger et ce tiers – dont le nom, comme d'ailleurs le sujet initial de la conversation, n'a pas passé à la postérité – qui annonça vouloir partir en vacances «au Nigre» (sic). Alors, le subtil Piller, saisissant la perplexité de l'architecte qui, vivant à Paris, ignorait les finesses de certains parlers romands: «Vous savez bien, Onègre (sic)… juste en dessous du tropique du Cancre!»

Max l'Impertinent

 

1 A commander au Mouvement chrétien conservateur valaisan CP 200, CH-1926 Fully – mccvs@bluewin.ch.

Thèmes associés: Divers - Politique internationale

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