Editorial

Les lois anti-fumée prolifèrent dans notre beau pays, cantons et Confédération rivalisant de zèle, au nom de compétences apparemment très entremêlées, pour éradiquer le tabagisme.

En ce qui concerne le canton de Vaud, les choses ne se sont pas trop mal passées au début, puisque l’interdiction de fumer dans les lieux publics est entrée en vigueur le 15 septembre, à un moment où les terrasses des cafés et restaurants étaient encore ouvertes et où, grâce à un début d’automne particulièrement clément, les fumeurs ont pu «assouvir leur vice» agréablement à l’extérieur – nous ne parlerons pas ici des employés qui prennent leur pause sur les trottoirs: c’est un autre sujet.

Ce temps béni étant désormais révolu, on voit surgir dans la presse réflexions et récriminations concernant les fumoirs, les terrasses chauffées et, plus généralement, les effets de la loi sur la vie économique des établissements publics.

Le 15 octobre, 20 minutes annonce que les fumoirs sont peu demandés, semble s’en étonner et conclut: «Même l’arrivée des prochains frimas, qui va décourager les fumeurs de s’en griller une dehors, n’a pas déclenché une avalanche de demandes pour créer un fumoir.» Madame Jacqueline Favez, auteur de l’article, est probablement non fumeuse, ce qui expliquerait sa totale méconnaissance de la mentalité des fumeurs: un vrai fumeur n’hésitera jamais à fumer dehors, surtout s’il peut accompagner sa cigarette d’un petit café. Les cafetiers et restaurateurs le savent bien, raison pour laquelle il ne voient pas l’utilité de dépenser de l’argent dans la création de fumoirs qui devront répondre à des normes coûteuses et n’offriront pas de service.

C’est pourquoi, ainsi que le note 24 heures une semaine plus tard, les patrons de bistrots réclament des terrasses chauffées. C’est la solution adoptée en France comme en Italie. Grâce aux chaufferettes, et à condition qu’on porte des vêtements de saison, tout le monde est content, sauf les ayatollahs qui rêvent d’interdire la fumée partout. En plus, cela met de l’ambiance dans les rues et sur les places, ce qui est fort sympathique.

Nul doute que les écologistes purs et durs vont monter au créneau et brandir quelque risque de pollution ou de gaspillage d’énergie pour faire interdire les chaufferettes collectives. Mais rassurez-vous: on trouve dans le commerce des chaufferettes individuelles qui font merveille, sans polluer, pour moins de cinquante francs.

Pour ce qui est des effets de l’interdiction de la fumée sur le chiffre d’affaires des cafés et restaurants, la tendance est à la baisse et de manière sensible. On peut lire dans le Matin-Dimanche du 25 octobre: «(…) les cafés-restaurants valaisans sont à la peine. Moins 20,50 et parfois moins 80% de chiffre d’affaires depuis que les fumeurs ne peuvent plus s’en griller une au bar ou autour d’une table. (…) Vaud (…) enregistre déjà les mêmes plaintes et les mêmes tendances à la baisse que le Valais. (…)»

On dira que la crise sans précédent que nous traversons est la grande responsable de cet état de choses. C’est possible. Mais alors pourquoi ne vide-t-elle pas aussi les supermarchés et les grands magasins?

En fait, la plupart des citoyens favorables à la loi qui disaient ne pas fréquenter les établissements publics à cause de la fumée, mais promettaient de s’y précipiter aussitôt l’air assaini, pour remplacer les fumeurs ostracisés, se sont révélés menteurs. C’est comme ça en démocratie: les engagements sont faits pour n’être pas tenus.

En 1997, une information de la Ligue suisse contre le cancer, trouvée sur internet, annonçait que le cancer du poumon – dont nul n’ignore qu’il est imputé principalement au tabagisme par les acteurs de la santé – touchait environ trois mille deux cents personnes en Suisse chaque année. La même source en comptabilisait trois mille six cents en 2009. Compte tenu de l’augmentation de la population, qui a passé de quelque sept millions à environ sept millions six cent mille habitants au cours des douze ans écoulés, on peut donc dire que, selon cette ligue pourtant peu portée à l’optimisme, le cancer du poumon touche chaque année dans notre pays entre quarante-cinq et quarante-sept habitants sur cent mille, fumeurs et non-fumeurs confondus. Le nombre des décès dus au fléau stagne lui à deux mille huit cents par an, soit un taux oscillant entre quarante pour cent mille en 1997 et environ trente-sept pour cent mille en 2009, la différence, bien faible, pouvant s'expliquer, nous semble-t-il, par les progrès réalisés dans le traitement et le dépistage de la maladie.

On remarque que les chiffres ne bougent guère, ce qui peut signifier que les mesures anti-tabagisme sont inopérantes et qu’on nous ment en prétendant que le nombre des fumeurs – et, par conséquent, la quantité de fumée inhalée par les fumeurs passifs – a considérablement diminué. Il est tout aussi possible que les causes du cancer du poumon ne soient pas, de loin pas, seulement celles qu’on montre du doigt.

Il faudrait alors songer à changer de têtes de turcs!

Le Pamphlet

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