Editorial

(…) Le service civil est devenu aussi valable que le service militaire. Il se débarrasse par-là même de son statut – un peu péjoratif – de service de remplacement. Le service civil comme premier choix ne se fonde plus que sur la présomption, exacte statistiquement, que la grande majorité des conscrits se contenteront de leur statut de militaire, notamment parce que le service civil est plus long, estime le capitaine Félicien Monnier1.

Rassurez-vous, nous n'allons pas vous servir une nouvelle tartine sur les défauts du service civil ni tenter de démontrer, une fois de plus, que ce fameux service ne devrait pas exister.

Mais la remarque de Félicien Monnier confirme une tendance que constatent tous ceux qui ont accompli leur service dans l'armée ces dernières années ou qui connaissent des jeunes gens décidés, pour une raison ou pour une autre, à passer quelques mois sous les drapeaux: le recrutement permet de facto aux citoyens en âge de servir de choisir entre un service militaire et un servage civil.

Les jeunes patriotes étant de plus en plus rares, cette situation débouche sur une armée composée de civils déguisés en soldats, qui, comme beaucoup trop de «civilistes», optent pour la solution qui les arrange le mieux ou leur paraît la moins inconfortable – servir moins longtemps, acquérir des connaissances utiles à la vie civile, tout en évitant la taxe militaire.

Dans ces conditions, il n'est plus question d'obliger, mais bien d'inciter les jeunes gens à revêtir l'uniforme. Il faut donc leur octroyer quelques menus avantages.

La dernière absurdité envisagée consiste à donner aux recrues la possibilité de prendre deux jours de congé sans avoir à se justifier2. Certes, il y aurait quelques limites à cette liberté: la présence du conscrit serait obligatoire le premier jour de l'école de recrues et les congés non justifiés ne devraient pas permettre aux jeunes soldats de se soustraire aux marches, exercices ou inspections.

Mais alors, ces congés devraient être pris sur le temps consacré à l'instruction.

Envisager cela, c'est déjà reconnaître que la formation actuelle de nos militaires ne requiert pas leur présence constante et qu'elle doit donc être raccourcie ou, au contraire, approfondie.

On nous dit que la conseillère nationale zuricoise et membre de la Commission de sécurité Priska Graf Seiler – socialiste évidemment! – «se réjouit de cette idée, qui redonne une place à la vie privée des conscrits. Elle estime aussi qu'elle aura un effet positif sur leur motivation».

Choisissez l'armée! C'est chouette! On a des congés! On va pouvoir jouir d'une vie privée!

On n'attend pas d'une dame socialiste qu'elle fasse preuve de réalisme. Tout de même, il y a des limites!

Mariette Paschoud

 

1 Félicien Monnier, Juge et soldatEssai sur les fondements de la justice militaire suisse, Centre d'Histoire et de Prospective militaire, Pully, 2016.

2 20 minutes du mardi 7 mars, p. 6.

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